Du récit à la fiction: un point de vue de philosophie cognitive

Jérôme Pelletier (1)

1 IJN - Institut Jean-Nicod

Alors que la théorie narrative valorise l'opposition entre récits de fiction et récits non fictionnels, les sciences cognitives du récit n'accordent guère d'importance à cette distinction. 1 1 Cela ne signifie pas que les sciences cognitives ne s'intéressent pas à la distinction de la fiction et de la réalité. De nombreux psychologues du développement s'intéressent aux compétences cognitives à la base des jeux de faire-semblant des enfants et à leur maîtrise de la distinction entre croyance et imagination et entre les propriétés fictionnellement et réellement attribuées aux objets et actions dans ces jeux (Leslie 1987); Harris & Kavanaugh (1993); Perner et al. (1994); Lillard (1993). Dans un autre domaine, celui des neurosciences cognitives, Abraham et al. (2008) et Abraham et al. (2009) ont mené deux études pionnières pour identifier les zones cérébrales activées par le traitement de questions impliquant soit des entités fictionnelles, soit des entités réelles. Dans la première étude, les sujets placés dans un scanner devaient juger de la possibilité de relations soit informatives, soit interactionnelles entre une personne réelle et, dans un cas, une autre personne réelle (G.W. Bush) et, dans un autre cas, un personnage de fiction (Cendrillon). Dans la deuxième étude, les sujets placés dans un scanner devaient juger la possibilité de relations soit imaginatives, soit interactionnelles entre une personne réelle et, dans le premier cas, une personne réelle célèbre (G.W. Bush), dans le second cas, une personne réelle proche (un ami), et dans le dernier cas, un personnage de fiction (Cendrillon). Les résultats de ces deux études de neuroimagerie sont très intéressants mais ils ne relèvent pas des sciences cognitives du récit qui, elles, n'accordent aucune pertinence à la distinction entre récit de fiction et récit non fictionnel dans leurs protocoles. Le présent article se limitant aux sciences cognitives du récit, il ne traite donc pas des recherches qui viennent d'être mentionnées. Convient-il alors de rejeter le point de vue de la théorie narrative et de considérer la distinction entre récits de fiction et récits non fictionnels comme une distinction sans signification réelle d'un point de vue cognitif? Le In Théorie, analyse, interprétation des récits Patron (ed.

Domaines: Philosophie

Jérôme Pelletier. Du récit à la fiction: un point de vue de philosophie cognitive. Sylvie Patron. Théorie, analyse, interprétation des récits, Peter Lang, 2011. ⟨hal-03972688⟩